La Pâques, fête chrétienne, trouve ses racines dans la fête juive de la Pâque, qui célèbre le passage de la mer rouge par les Hébreux lors de la libération d’Égypte. Depuis la Résurrection du Christ, c’est la célébration du passage avec lui de la mort à la vie que les chrétiens célèbrent chaque année à la fin des quarante jours de jeûne et de prière qui commencent toujours le mercredi des cendres
Cette année 2023, nous célébrons la Pâques ce 09 avril. Son Eminence Dieudonné Cardinal Nazapalainga, archevêque métropolitaine de Bangui a célébré la vigile pascale (08/04/2023 ) dans sa cathédrale, Notre Dame de Immaculée conception de Bangui.

Au cours de cette vigile pascale, l’archevêque de Bangui a prononcé cette homélie que nous publions intégralement ci-dessous (Vous pouvez aussi la télécharger en cliquant sur l’icône télécharger ci-dessous)

Chers frères et sœurs,
La pénitence que nous nous sommes imposés, les prières ferventes que nous avons élevées vers Dieu et le partage du nécessaire avec notre prochain nous ont préparés à célébrer la Pâques du Seigneur avec un cœur pur, avec un cœur renouvelé dans l’amour. De même, la liturgie du temps de Carême nous a beaucoup soutenus. Elle nous a conduits, avec sagesse et patience, jusqu’au cœur du mystère que nous célébrons ce soir. Ce mystère, qui illumine nos cœurs, concerne Jésus, le Crucifié. Rejeté par tous et mis à mort, Dieu l’a ressuscité. Il a fait de lui le Seigneur des vivants et des morts ! Avec saint Paul Apôtre nous confessons : « Nous le savons en effet : ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ; la mort n’a plus de pouvoir sur lui. » (Rm 6, 9).
Oui, « Christ est vraiment ressuscité ! » Toutefois, ce soir, l’émotion causée par les événements du Vendredi Saint est encore bien vive. Ce Vendredi Saint…où le ciel s’était obscurci, remplissant nos cœurs d’amertume. Dans notre désespoir, nous nous demandions, sans pouvoir trouver des réponses à ces questions : comment peut-on rendre le mal pour le bien ? Pourquoi se liguer, faire front, pour abattre le Juste, l’Innocent ? Y a-t-il finalement un sens à la vie, si les ténèbres doivent l’emporter sur la lumière ?
Du fond des ténèbres du tombeau où reposait le corps du Crucifié la lumière a jailli : la lumière qui éclaire l’esprit, réchauffe le cœur et dissipe tout doute ; la lumière qui ouvre à l’espérance. S’adressant à « Marie Madeleine et à l’autre Marie », l’ange du Seigneur leur dit : « Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez voir l’endroit où il reposait. » (Mt 28, 5-6). Telle est la lumière qui émane du tombeau ; elle est l’œuvre de Dieu et de Lui seul.
Avant d’envisager les implications concrètes de cette œuvre de lumière dans nos vies, il convient de recueillir d’abord quelques enseignements majeurs contenus et mis en valeur dans les textes des Ecritures que nous avons entendus.
Chers frères et sœurs,
En effet, il apparaît clairement dans ces textes qu’après qu’il a annoncée son salut de bien des manières, Dieu l’a révélé pleinement, avec grand éclat, dans le mystère de son Fils. En nous invitant à nous en émerveiller, la liturgie de la Parole de ce soir présente l’œuvre de Dieu comme relevant de sa liberté souveraine qui est puissance d’amour. Dieu la met en œuvre pour donner la vie, pour sauver ses créatures. Il en va ainsi lorsque, ayant achevé de créer le ciel et la terre, et tout ce qui s’y trouve, Dieu offrit la merveille de la création à l’Homme qu’il a placé au sommet de la création : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme » (Gn 1, 27). De même, lorsqu’il entreprit de délivrer le peuple d’Israël de la servitude d’Egypte, le Seigneur déploya sa toute-puissance en le faisant passer à pieds secs à travers la mer Rouge : le Seigneur « mit la mer à sec, et les eaux se fendirent. Les fils d’Israël entrèrent au milieu de la mer à pied sec, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche. » (Ex 14, 21-22).
Par ailleurs, Dieu ne finit pas de nous surprendre. Il nous console en nous confiant que sa toute-puissance n’est pas une puissance qui écrase ; elle est une puissance de vie et d’amour, elle est miséricorde débordante et qui se penche continuellement sur nos infidélités pour nous relever. Oui, malgré la multitude de nos péchés et infidélités, c’est toujours Dieu qui fait le premier pas, proposant à l’homme de consentir à son propre renouvellement et à répondre à l’invitation de devenir partenaire d’une alliance nouvelle et éternelle : « Prêtez l’oreille ! Venez à moi ! Ecoutez, et vous vivrez. Je m’engagerai envers vous par une alliance éternelle. » (Is 55, 3) Et encore : « Je vous prendrai du milieu des nations, je vous rassemblerai…je vous conduirai…je vous purifierai…je mettrai en vous un esprit nouveau…vous serez mon peuple et moi, je serai votre Dieu. » (Ez 36, 24-28). La révélation la plus bouleversant que Dieu nous fait de lui-même est que la puissance d’amour qu’il déploie pour notre salut est d’une gratuité absolue.
En méditant plus profondément les lectures qui nous sont proposées en cette vigile de Pâques, nous découvrons que l’agir de Dieu est un agir créateur. En créant, Dieu sauve ; et lorsqu’il recrée ce qui est abîmé, il le sauve à nouveau en l’amenant à la lumière. De cette manière nous pouvons dire que l’acte créateur est aussi et en même temps un acte rédempteur. Aussi est-ce dans l’offrande du Christ que l’humanité toute entière est rachetée du péché, sauvée de la mort éternelle. En ce sens, la célébration de la résurrection du Seigneur est une invitation pressante :
- à nous ouvrir à la lumière créatrice de Dieu ;
- à accueillir la lumière de l’amour qui s’exprime dans le don total que le Christ a fait de sa vie ;
- à faire la lumière dans nos vies
- à renoncer aux œuvres des ténèbres qui nous aveuglent et détruisent la vie de Dieu en nous et autour de nous ;
- à témoigner de l’amour dans nos rapports les uns à l’égard des autres ;
- à célébrer la joie de la communion plus forte que les ténèbres de la haine, des suspicions et des divisions ;
- à faire en sorte que la lumière de la résurrection se répande dans toutes les dimensions de notre vie.
Chers frères et sœurs,
L’évangile selon saint Jean rapporte qu’« à l’aube du premier jour de la semaine », alors qu’il fait encore obscur, Marie de Magdala, tout en pleurs, se rend au tombeau pour les ultimes soins d’ensevelissement du corps de Jésus. C’est là qu’elle eut l’immense et insigne privilège de rencontrer le Ressuscité. « Va trouver mes frères, lui dit Jésus ressuscité, pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » (Jn 20, 17).
En accueillant aujourd’hui cette bonne nouvelle, nous devenons, à notre tour, des messagers du Ressuscité pour notre temps. A l’Eglise que nous formons, le Christ confie la lumière que sa résurrection a fait briller sur le monde. Il nous la confie pour que nous la gardions allumée, jusqu’à son retour dans la gloire.
La lumière de la résurrection met à nu le péché de l’homme : « Ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau ! » (Jr 2, 13). Cette infidélité ne s’exprime pas seulement comme abandon de Dieu, de sa parole et de sa loi ; elle peut revêtir aussi des formes plus radicales encore : le rejet pur et simple de Dieu, par exemple, ou la méconnaissance délibérée de sa souveraineté. Si l’on veut s’ouvrir à la lumière de la résurrection, il faudrait reconnaître, préalablement, que certains péchés sont, pour chacun, des tombeaux qui le retiennent captif. Il faudrait surtout croire, fermement et de tout son cœur, qu’il est possible d’en sortir, non par ses propres forces, mais par une grâce spéciale venant du mystère pascal du Christ.
Ces « tombeaux » qui nous asservissent sont nombreux et variés ; nous les érigeons nous-mêmes et ils s’accumulent dans les villages, les quartiers et les villes de notre cher et beau pays. Ils compromettent gravement notre destin personnel et collectif en tant que peuple : tombeaux de la haine et des divisions ; tombeaux de l’arrogance et du mépris de la vie ; tombeaux du mensonge et de la violence, tombeaux de l’insouciance et de l’irresponsabilité, etc.
Chers frères et sœurs,
La lumière qui jaillit du tombeau désormais vide est source d’une grande espérance. Elle nous révèle que la puissance de l’amour a vaincu le mal, que la mort ne pouvait l’emporter sur la vie. La lumière de la résurrection ne se contente donc pas seulement d’éclairer l’obscurité de nos tombeaux ; elle est aussi à l’œuvre dans le cœur du croyant comme une grâce sans laquelle personne ne peut témoigner de sa nouvelle naissance. La lumière du Christ ressuscité ouvre des perspectives nouvelles ; elle est une mission à vivre, selon la parole de l’apôtre : « Autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ; conduisez-vous comme des enfants de lumière. » (Eph 5, 8).
Un proverbe bien connu dit : « Quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finit toujours par se lever » ! Pour les disciples du Seigneur, le jour s’est levé et, dans son éclat, il a repoussé et anéanti définitivement les ténèbres de la nuit. Nous ne sommes appelés à demeurer dans la nuit de nos doutes, de nos misères et de nos pleurs. Car, Celui qui est au milieu de nous, le Christ, « espérance de la gloire » (Col 1, 27), nous revêt de force pour marcher dans la lumière.
En cette veille du dimanche de Pâques, j’ai vraiment désiré, frères et sœurs, vous partager cette grande espérance que la lumière du Christ ressuscité suscite en nos cœurs. En vous invitant à rendre grâce au Seigneur qui nous comble d’une joie inexprimable, demandons-lui de nous préserver des ténèbres du péché et de la mort. Prions pour nos familles et nos communautés, pour nos Mouvements et Fraternités ainsi que pour nos Groupes de prière : que nos cœurs s’ouvrent à la douce lumière de l’amour de Dieu et que, saisis par l’amour rédempteur du Christ, nous rayonnons sa lumière d’amour et de paix, de joie et de vie.
Que Marie, Mère de Dieu et Notre Dame de l’Oubangui, intercède pour nous afin que nos vies et nos cœurs soient illuminés par la lumière du Christ ressuscité. Ainsi, réalisant que nous avons été « appelés des ténèbres à l’admirable lumière » du Christ (cf. 1 P 2, 9), nous nous appliquerons à répandre la lumière son amour autour de nous, car c’est elle seule qui peut nous garder unis, dans la joie et la paix du vivre-ensemble. Amen.
©+ Dieudonné Cardinal NZAPALAINGA, Archevêque Métropolitain de Bangui