Enseignement Catholique associé au service de l’éducation nationale en Centrafrique
Le système éducatif centrafricain, à l’image des différents secteurs de développement de ce pays, a connu et continue de connaitre de sérieux problèmes de performance dus, à priori, à l’instabilité sociopolitique. Car, les avancées enregistrées se retrouvent à chaque fois annihilées par les conséquences des crises cycliques que le pays fait souvent face. Ces problèmes vont du déficit en infrastructures et en personnels enseignants tant sur le plan qualitatif que quantitatif, au problème de financement du système éducatif entraînant le phénomène de baisse de niveau de plus en plus décrié.
Aux côtés du gouvernement de la République, l’église catholique de Centrafrique, partenaire de poids investissant dans le secteur éducatif a significativement contribué à relever les défis de l’éducation. A ce titre, quatre périodes marquent le parcours de l’école catholique de Centrafrique, à en croire M. Paul GUINIMANGUIMI, actuel Secrétaire général de l’Enseignement catholique associé de Centrafrique (ECAC) tout en précisant que « dès l’aube de son avènement, l’église catholique s’est impliquée dans tous les aspects de la vie de l’humanité, à l’instar des premiers Chrétiens qui vivaient entièrement dans la communion des biens (Actes : 2, 44-45 ; 4, 32-3)… la longue et riche histoire de l’église fait d’elle non seulement une experte en humanité, mais aussi en éducation. C’est ainsi que les premiers instants de l’évangélisation en Oubangui Chari furent en même temps, ceux de l’éducation ». Il s’agit de : La période de 1894 à 1962 caractérisée par une montée nationale fulgurante et du plein investissement de l’église catholique. Les missionnaires ont commencé par le rachat des esclaves qui sont pour la plupart des orphelins et des enfants qui sont en surcharge dans leurs familles pour les éduquer. Progressivement, d’autres parents ont pris goût et remettaient leurs enfants aux missionnaires. Puis, l’église a fini par créer formellement des structures éducatives. Jusqu’en 1962, l’église s’était déjà pleinement investie dans l’éducation, notamment à Saint Paul, à Ndjoukou et au niveau de Mobaye.
La période de 1962-1994 marquée par la nationalisation du système éducatif. En cette année malheureusement, l’élan pris par l’enseignement catholique va être estompé par le gouvernement de la République. C’est finalement par la Loi n° 62/316 du 9 mai 1962 et son décret d’application n° 63/071 du 5 février 1963 portant unification de l’enseignement que le secteur privé dont l’école catholique va être purement et simplement supprimé. Selon les articles dudit Décret, l’Etat seul a dorénavant la charge de l’éducation sur l’ensemble du territoire national. Du coup, tous les établissements reviennent à l’Etat.
De ce fait, les élèves, le personnel enseignant et administratif des établissements catholiques se sont vus reversés dans le système de l’éducation publique. C’est ainsi que jusqu’à la rétrocession des écoles catholiques en 1994, certains établissements publics étaient dirigés par des religieux, tel le cas de la Sœur Thérèse MOSTIER de la congrégation Saint Paul de Charte de Bangassou. Jusqu’en 1963, sur 82 000 élèves et 3100 collégiens, 60% appartiennent à l’enseignement public ; 36% proviennent des écoles privées catholiques et ; 4% des écoles privées protestantes.
Vers l’émergence des établissements privés catholiques.
L’Ordonnance n° 72.040 du 15 mai 1974 portant abrogation de la Loi d’unification de l’enseignement en République centrafricaine qui donne une ouverture à la création des écoles privées laïques. Ce n’est que partie remise, puisque l’Etat garde une mainmise sur le système éducatif. De 1974 à 1994 soit deux décennies durant, toujours le système éducatif n’a pu se relever malgré la reprise des écoles privées. « C’étaient des décennies de crise », a confié M. Paul GUINIMANGUIMI de l’ECAC.
Telle une calamité, le système éducatif national a été donc frappé par plusieurs maux car l’Etat ne pouvait plus tenir à lui seul la vie politique, économique et sociale du pays : les portes de la fonction publique sont devenues plus étroites, les salaires ne sont plus versés aux personnels à termes échu sans compter qu’ils sont bloqués un peu plus d’une dizaine d’années avec des avancement fallacieux sans indices financières, les bâtiments publics tombent en ruine faute d’entretien, plusieurs entreprises publiques ont fait faillite et d’autres privatisées. Les conséquences n’ont pas tardé : absentéisme chronique des enseignants, la poussée étonnante de l’incivisme, corruption.
généralisée, des mouvements intempestifs de grèves devant le trésor public, recrudescence de la criminalité en ville, insécurité et enfants de la rue… C’est de l’agitation périlleuse permanente. Pour contourner la dégradation du système éducatif ponctuée par trois années blanches consécutives de 1991,1992 et 1993, certains parents ont du envoyer leurs enfants à l’étrangers pour poursuivre leurs études tant au niveau primaire que secondaire.
La période 1994 à ce jour.
La situation délétère exigeait une prise de conscience nationale. L’organisation des états généraux de l’éducation et de la formation par le Ministère de l’Enseignement, de la coordination des recherches et de la technologie, tenus du 30 mai au 8 juin 1994, aura été le clou de cette prise de conscience. Le 24 juin de la même année, le Ministre de l’éducation, Feu Etienne GOYEMIDE débarque à la Session de la Conférence épiscopale centrafricaine. Aux participants, le membre du gouvernement déclare : « Nous sommes arrivés à la conclusion incontournable qu’il n’y a pas d’autres alternatives que d’opter pour un système de partenariat qui constituerait le cadre par excellence pour le traitement des questions de l’éducation et de formation », a-t-il déclaré en substance avant d’ajouter « j’exprime le vœu de voir votre conférence réserver une suite favorable à nos démarches et sollicitations afin que des discussions franches, ouvertes et constructives puissent s’ouvrir dans un délai raisonnable ». Naturellement, l’appel du pied du Ministre ne tarda pas à donner de fruits. Le consensus a été très vite trouvé. L’Enseignement catholique associé de Centrafrique (ECAC) est né. Dès 1997, ce fut la première signature de la Convention de partenariat entre l’église et l’Etat dont la célébration de la deuxième décennie a eu lieu cette année. Entre temps, l’ECAC qui est la structure mère de l’école catholique a pu faire son bonhomme de chemin pour s’imposer finalement en tant que partenaire de poids du Ministère de l’éducation. D’environ 60 000 élèves juste avant la dernière crise militaropolitique de 2013, l’ECAC dispose à ce jour de 101 Ecoles maternelles, 139 Ecoles du Fondamental 1, 20 Ecoles du secondaire général, 3 Ecoles techniques et professionnels, une Institution d’enseignement supérieur et 4 Structures de l’éducation non formelle. Mais ces chiffres ont été revus en baisse après la crise et se stuent à la dernière réactualisation à 47 066 élèves. L’ECAC, à la dernière actualisation de ses statistiques totalise quelque 300 établissements toute unité pédagogique confondue. Vu que les données ne sont pas stables du fait de la création continuelle des nouvelles écoles, l’Archidiocèse de Bangui compte une trentaine d’établissements ; Bangassou, une quarantaine ; Kaga Bandoro : 14 ; Mbaïki : 8 ; Berbérati : 16 ; Bambari : 5 ; Bouar : 80 ; Alindao : 16. Toutefois, il faut reconnaitre que la dernière crise militaropolitique qui vient de frapper la République centrafricaine a eu plus de conséquences au niveau du système éducatif du fait que les établissements scolaires étaient les lieux de prédilection pour les groupes armés pour leur servir de logement. En plus, les enfants étant des êtres faibles, leurs parents cragnant pour leur sécurité dans un climat généralisé d’insécurité grandissante les empêchaient d’aller à l’école. A en croire Paul GUINIMANGUIMI, Secrétaire général de l’ECAC, les grands défis de l’enseignement catholique aujourd’hui, c’est la reprise effective dans certains Diocèses, tels Alindao où la présence des groupes armés fait persister la peur. De même, l’initiative de l’éducation en situation d’urgence à travers ETAPE (Espace temporaire pour l’apprentissage et la protection de l’enfant) communément appelée « Ecole bâche » en faveur des enfants déplacés sur les sites et les EAFGA ( Enfants associés aux forces egroupes armés). Ce programme a le mérite d’être l’alternative ultime qui a pu sauver l’éducation pendant la dernière crise et a été mise en œuvre dans quatre préfectures et à Bangui, notamment dans l’Ombella Mpoko, l’Ouham (Batangafo), la Basse-Kotto (Alindao), Ouaka (Bambari).
Notons que le 19 janvier 2017, les différents établissements scolaires et de formation de tous les Diocèses de la République centrafricaine se sont donnés rendez-vous à Bangui, au stade 20 000 Places, pour célébrer le Jubilé d’or (50 ans) de l’Enseignement catholique associé de Centrafrique. Selon M. Paul GUINIMANGUIMI, l’organisation de ce Jubilé fait suite à la tenue ongrès mondial de l’éducation catholique à Rome du 18 au 21 novembre 2015 et s’est présentée comme le cadre idéal de restitution de ce congrès au niveau national. A l’occasion, le Cardinal Dieudonné NZAPALAINGA a annoncé la création de 50 autres écoles catholiques à travers le pays à partir de cette année
Fred KRCOK