C’est dans sa propre cathédrale, à 21h00, que l’archevêque métropolitain de Bangui, Dieudonné Cardinal NZAPALAINGA, a célébré la « traditionnelle messe de Nuit de Noël 2024. » Dans son homélie, il présente la famille comme principale dépositaire du Mystère de l’Incarnation : « Dieu refuse de diriger l’humanité en restant à distance : il vient rejoindre l’humain là où il vit. Il est au cœur même de l’expérience humaine ordinaire. Nous devons épouser cette démarche missionnaire de Dieu en brisant toutes les distances qui nous séparent dans nos familles, lieux de travail, nos mouvements et fraternités. » Suivons l’intégralité de son enseignement.
Frères et sœurs,
Je voudrais commencer mon homélie par une observation dans l’évangile de Luc que nous venons d’écouter. L’évangéliste Luc nous donne une information historique très capitale. « Joseph et Marie sont allés se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. …pendant qu’ils étaient là, Marie a mis au monde l’enfant Jésus ». N’est-ce pas aussi le contexte actuel de notre pays qui est en cours de l’enrôlement, de recensement. C’est dans cet évènement que Dieu vient nous visiter en son Fils Jésus. Dieu se révèle dans les évènements de notre histoire. Cette révélation trouve son accomplissement dans l’évènement Jésus-Christ comme communication inouïe de Dieu aux hommes et aux femmes.
Le message d’Isaïe, dans la première lecture, résonne de façon forte dans une Jérusalem encore brisée par les séquelles de l’Exil. Mais il résonne plus loin encore et jusqu’à nous. L’œuvre annoncée est imminente, visible : elle fait disparaître le deuil, la mort et les remplace par une bonne nouvelle. Ce qui est annoncé est une année de grâce proclamée de la part du Seigneur c’est-à-dire aussi la revanche de Dieu contre le mal. Par la voix du prophète Isaïe, Dieu s’insurge contre le mal, contre tout mal, jusqu’au plus profond du cœur de l’homme.
Le prophèteIsaïe dépasse largement le plan strictement humain, affirmant la préexistence du messie attendu (Mi 5, 1) ; nous comprenons par-là l’annonce de l’incarnation divine au sein de l’humanité. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière… ». Que nous dit le prophète Isaïe en ces quelques versets ? Que l’Emmanuel apporte la lumière, qu’il est lui-même Lumière. Qu’avant sa venue, les hommes, dans les ténèbres « avec leurs yeux qui ne voient pas, ne peuvent avancer que difficilement sans comprendre le plan de Dieu. Sans l’Emmanuel, dit le prophète Isaïe, l’humanité ne peut connaître le mystère de Dieu. Ils ont des yeux, mais ne peuvent pas voir de telle sorte que l’homme, de par sa fragilité et son ignorance s’oriente plutôt vers la facilité et cède à des pulsions. C’est tout le problème de mal dans l’histoire humaine, nos familles, notre société, notre pays. Dieu seul peut nous éclairer, nous faire sortir de l’impasse enténébrée mais pour ce faire, il vient chez nous car il veut notre bonheur. Telle est notre bienheureuse espérance qui se réalise dans la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ comme affirme Saint Paul à Tite dans la deuxième lecture.
Frères et sœurs
La Nuit de Noël révèle l’amour incommensurable de Dieu qui ne vient pas habiter dans la tranquillité, dans la sécurité mais dans un environnement à hauts risques. La nuit de Noël avec tous les risques et périls pour les bergers et leurs troupeaux, c’est dans ce lieu où le Verbe de Dieu s’est fait chair. Il est né dans une mangeoire autour de laquelle peuvent être les loups, les bêtes féroces qui rodent, cherchent quoi dévorer tout comme « le lion qui rugit, va et vient à la recherche de sa proie » (1 P 5 8). Une zone à risque pour les bergers et leurs troupeaux devient aussi une zone à risque pour l’enfant Jésus et Marie et Joseph. Plus large, une zone à risques pour Jésus le Bon Berger et nous, son troupeau.
Encore aujourd’hui le Verbe de Dieu risque sa vie pour venir habiter chez nous, dans notre pays d’insécurité, de braquage, de violence, et de tuerie. Tel est le mystère de l’incarnation, Tel est l’amour infini de Dieu pour nous aujourd’hui dans ce pays la RCA. Dieu est véritablement parmi nous en cette nuit de Noël. Oui un enfant nous est né, un fils nous est donné avec l’autorité posée sur ses épaules. Il crie son nom : Conseiller merveilleux…Prince de la Paix. Il établira la justice et le droit sur le trône et en son royaume la paix régnera pour toujours. ;.
L’évangile de Luc nous dit que l’Enfant Jésus est né hors de la salle commune car il n’y avait pas de place pour eux. En cette nuit de Noël, je vous invite à penser à tous nos enfants qui sont, comme Jésus, hors de la salle commune. Qu’est-ce que j’entends par cette salle commune : d’abord notre Famille ; souvent les enfants sont rejetés exclus de la famille parce qu’ils sont accusés de sorciers, de porteurs de malchance. Ensuite, l’Ecole, plusieurs enfants ne vont pas à l’école parce que les parents n’assument pas leur responsabilité. Enfin salle commune peut être cette fête de Noël mais beaucoup d’enfants orphelins, enfants de la rue sont dehors si nous ne pensons pas à leur apporter les cadeaux de Noël, les vivres, la joie de vivre comme nous aussi. Nous avons cette mission comme chrétiens de briser le cours de solitude, de l’isolement et du désespoir pour ces enfants hors de la salle commune. C’est ainsi qu’à l’exemple d’Isaïe, nous pouvons annoncer un message de joie et de consolation.
Frères et sœurs,
En cette nuit de Noël, nous célébrons l’incarnation de Dieu dans notre histoire humaine. Dieu ne veut pas diriger l’humanité en restant à distance, mais il vient rejoindre l’humain jusqu’à se faire homme avec les hommes. C’est la proximité de Dieu avec l’être humain. Dieu refuse la distance : il vient rejoindre l’humain là où il vit. Il est au cœur même de l’expérience humaine ordinaire. Nous devons épouser cette démarche missionnaire de Dieu en brisant toutes les distances qui nous séparent dans nos familles, lieux de travail, nos mouvements et fraternités. Evitons de maintenir ou d’entretenir cette distance à travers nos refus de saluer l’autre, de parler à l’autre, de visiter l’autre. Le message de cette nuit de Noël est bonne nouvelle si nous allons vers nos frères, nos sœurs qui sont loin dans notre cœur. Ainsi comme nous dit le psalmiste, nous pouvons proclamer le salut de Dieu et raconter à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles.
Que la grâce de la naissance de notre Seigneur Jésus Christ nous « rachète de toutes nos fautes, nous purifie afin de faire de nous un peuple ardent à faire le bien ».
+ Dieudonné Cardinal NZAPALAINGA, C.S.Sp
Archevêque Métropolitain de Bangui