Pape François : Cardinal Giovanni Battista Re rend hommage au souverain pontife

Ce samedi matin, les yeux du monde étaient rivés sur la basilique Saint-Pierre pour rendre hommage au pape François, décédé le Lundi de Pâques à l’âge de 88 ans. Le cardinal Giovanni Battista Re, qui a présidé la messe des funérailles en sa qualité de doyen du collège des cardinaux, a notamment retracé la vie du souverain pontife et ses accomplissements au sein de l’Eglise. Voici le texte complet de son homélie. 

« Sur cette majestueuse place Saint-Pierre, où le pape François a célébré tant de fois l’Eucharistie et présidé de grandes rencontres au cours de ces douze années, nous sommes rassemblés en prière autour de sa dépouille mortelle, le cœur triste, mais soutenus par les certitudes de la foi, qui nous assure que l’existence humaine ne s’achève pas dans la tombe, mais dans la maison du Père, dans une vie de bonheur qui ne connaîtra pas de crépuscule.

Au nom du Collège des Cardinaux, je remercie cordialement chacun d’entre vous pour votre présence. Avec une profonde émotion, j’adresse un salut respectueux et mes vifs remerciements aux chefs d’État, aux chefs de gouvernement et aux délégations officielles venus de nombreux pays pour exprimer leur affection, leur vénération et leur estime envers le Pape qui nous a quittés.

Le plébiscite des manifestations d’affection et de participation, que nous avons vu ces derniers jours après son passage de cette terre vers l’éternité, nous montre à quel point le pontificat intense du pape François a touché les esprits et les cœurs.

Sa dernière image, qui restera gravée dans nos yeux et dans nos cœurs, est celle de dimanche dernier, jour de la solennité de Pâques, lorsque le pape François, malgré ses graves problèmes de santé, a voulu nous donner la bénédiction depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, puis est descendu sur cette place pour saluer depuis la papamobile découverte toute la foule venue assister à la messe de Pâques.

Par notre prière, nous voulons maintenant confier l’âme du bien-aimé Pontife à Dieu, afin qu’Il lui accorde la félicité éternelle dans l’horizon lumineux et glorieux de son immense amour.

La page de l’Évangile, où résonne la voix même du Christ interpellant le premier des Apôtres, nous éclaire et nous guide : « Pierre, m’aimes-tu plus que ceux-ci ?». Et la réponse de Pierre fut immédiate et sincère : « Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime ». Et Jésus lui confia la grande mission : « Pais mes brebis ». Ce sera là la tâche constante de Pierre et de ses successeurs, un service d’amour à la suite du Maître et Seigneur Jésus-Christ qui « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10, 45).

Malgré sa fragilité dernière et sa souffrance, le pape François a choisi de suivre cette voie du don jusqu’au dernier jour de sa vie terrestre. Il a suivi les traces de son Seigneur, le bon Pasteur, qui a aimé ses brebis jusqu’à donner sa vie pour elles. Et il l’a fait avec force et sérénité, proche de son troupeau, l’Église de Dieu, en se souvenant de la phrase de Jésus citée par l’apôtre Paul : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20, 35).

Lorsque le Cardinal Bergoglio a été élu le 13 mars 2013 par le Conclave pour succéder au pape Benoît XVI, il avait derrière lui des années de vie religieuse dans la Compagnie de Jésus et surtout il était enrichi par l’expérience de 21 ans de ministère pastoral dans l’archidiocèse de Buenos Aires, d’abord comme auxiliaire, puis comme coadjuteur et enfin, surtout, comme archevêque.

La décision de prendre le nom de François est immédiatement apparue comme le choix d’un programme et d’un style sur lesquels il souhaitait fonder son pontificat, en cherchant à s’inspirer de l’esprit de saint François d’Assise.

Il a conservé son tempérament et sa manière de guider son troupeau, et a immédiatement imprimé sa forte personnalité dans la gouvernance de l’Église, en établissant un contact direct avec les individus et les populations, désireux d’être proche de tous, avec une attention particulière pour les personnes en difficulté, se dépensant sans compter, en particulier pour les plus démunis, les exclus.

Il a été un pape parmi les gens, avec un cœur ouvert à tous. Il a également été un pape attentif à ce qui émergeait de nouveau dans la société et à ce que l’Esprit Saint suscitait dans l’Église.

Avec son vocabulaire caractéristique et son langage riche en images et en métaphores, il a toujours cherché à éclairer les problèmes de notre temps par la sagesse de l’Évangile, en offrant une réponse à la lumière de la foi et en encourageant à vivre en chrétiens les défis et les contradictions de ces années de changements, qu’il aimait qualifier de « changement d’époque ».

Il avait une grande spontanéité et une manière informelle de s’adresser à chacun, même aux personnes éloignées de l’Église. Riche de chaleur humaine et profondément sensible aux drames actuels, le pape François a véritablement partagé les angoisses, les souffrances et les espoirs de notre époque de mondialisation, et s’est dépensé pour réconforter et encourager chacun par un message capable de toucher le cœur des gens de manière directe et immédiate.

Son charisme de l’accueil et de l’écoute, unis à une manière d’être en phase avec la sensibilité d’aujourd’hui, a touché les cœurs, cherchant à réveiller les énergies morales et spirituelles.

Le primat de l’évangélisation a été le guide de son pontificat, diffusant, avec une empreinte missionnaire évidente, la joie de l’Évangile, qui a été le titre de sa première exhortation apostolique Evangelii gaudium. Une joie qui remplit de confiance et d’espérance le cœur de tous ceux qui se confient à Dieu. Le fil conducteur de sa mission a également été la conviction que l’Église est une maison pour tous, une maison dont les portes sont toujours ouvertes.

Il a souvent utilisé l’image de l’Église comme « hôpital de campagne » après une bataille qui a fait de nombreux blessés ; une Église désireuse de prendre en charge avec détermination les problèmes des personnes et les grandes souffrances qui déchirent le monde contemporain ; une Église capable de se pencher sur chaque homme, au-delà de toute croyance ou condition, pour soigner ses blessures.

Ses gestes et ses exhortations en faveur des réfugiés et des personnes déplacées sont innombrables. Son insistance à œuvrer en faveur des pauvres a également été constante.

Il est significatif que le premier voyage du pape François ait été celui à Lampedusa, île symbole du drame de l’émigration avec des milliers de personnes noyées en mer. Dans la même ligne, il y a eu également le voyage à Lesbos, avec le patriarche œcuménique et l’archevêque d’Athènes, ainsi que la célébration d’une messe à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, à l’occasion de son voyage au Mexique.

Parmi ses 47 voyages apostoliques intenses, celui qu’il a effectué en Irak en 2021, au péril de sa vie, restera particulièrement gravé dans les mémoires. Cette difficile visite apostolique a été un baume sur les plaies ouvertes du peuple irakien, qui a tant souffert des actes inhumains de Daech.

Ce voyage a également été important pour le dialogue interreligieux, autre dimension importante de son œuvre pastorale. Avec sa visite apostolique de 2024 dans quatre pays d’Asie- Océanie, le pape a atteint «la périphérie la plus périphérique du monde ».

Le pape François a toujours mis au centre l’Évangile de la miséricorde, soulignant à plusieurs reprises que Dieu ne se lasse pas de nous pardonner : Il pardonne toujours, quelle que soit la situation de celui qui demande pardon et revient sur le droit chemin. Il a voulu le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, afin de mettre en évidence que la miséricorde est « le cœur de l’Évangile ». Miséricorde et joie de l’Évangile sont deux mots clés du pape François.

En opposition à ce qu’il a défini comme « la culture du déchet », il a parlé de la culture de la rencontre et de la solidarité. Le thème de la fraternité a traversé tout son pontificat avec des accents vibrants. Dans la lettre encyclique Fratelli tutti, il a voulu faire renaître une aspiration mondiale à la fraternité, car nous sommes tous enfants du même Père qui est aux cieux. Il a souvent rappelé avec force que nous appartenons tous à la même famille humaine.

En 2019, lors de son voyage aux Émirats arabes unis, le pape François a signé un document sur la « Fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune », rappelant la paternité commune de Dieu.

S’adressant aux hommes et aux femmes du monde entier, la lettre encyclique Laudato si’ a attiré l’attention sur les devoirs et la coresponsabilité envers notre maison commune. « Personne ne peut se sauver seul ».

Face à la fureur des nombreuses guerres de ces dernières années, avec leurs horreurs inhumaines, leurs innombrables morts et destructions, le pape François n’a cessé d’élever la voix pour implorer la paix et appeler à la raison, à des négociations honnêtes afin de trouver les solutions possibles, car la guerre, disait-il, n’est que mort d’êtres humains, destruction de maisons, d’hôpitaux et d’écoles. La guerre laisse toujours le monde pire qu’il n’était auparavant : elle est toujours une défaite douloureuse et tragique pour tous.

« Construire des ponts et non des murs » est une exhortation qu’il a répétée à plusieurs reprises et son service de foi en tant que Successeur de l’Apôtre Pierre a toujours été lié au service de l’homme dans toutes ses dimensions.

En union spirituelle avec toute la Chrétienté, nous sommes nombreux ici à prier pour le pape François afin que Dieu l’accueille dans l’immensité de son amour. Le pape François avait l’habitude de conclure ses discours et ses rencontres en disant : « N’oubliez pas de prier pour moi ».

Cher Pape François, nous te demandons maintenant de prier pour nous et que, du ciel, tu bénisses l’Église, bénisses Rome, bénisses le monde entier, comme tu l’as fait dimanche dernier depuis le balcon de cette basilique, dans une dernière étreinte avec tout le peuple de Dieu, mais aussi, idéalement, avec l’humanité qui cherche la vérité avec un cœur sincère et qui tient haut le flambeau de l’espérance ».

Source : CNEWS